Pour Nicole Valentin, sculpteure, tout commence par le cercle, forme qu’elle choisit pour traiter de l’ambivalence, une thématique qu’elle va patiemment construire jusqu’à l’éclatement (de la forme) et la rupture (des conventions).

Pour briser l’enfermement dans tous les sens du terme, pour aller contre les idées reçues assénées dans un milieu réputé difficile, Nicole Valentin s’attaque en sculpture au "dur", le béton. Rien de féminin, à priori. Erreur, on peut rompre les codes en usage pour mieux y revenir. Cette femme énergique, graphiste de formation, est habitée depuis toujours part la passion de la sculpture. Elle tente le plâtre direct et la terre qui ne la comblent pas, elle cherche ailleurs et rencontre le béton. C’estsa chance – mais s’agit-il de hasard ? – Elle se coule dans la matière comme dans une seconde peau ; un matériau brut, lourd, puissant et pourtant "Le béton c’est aussi fragile" tempère Nicole Valentin.

De fait, cette antinomie entre fort-fragile marque l’œuvre de cette femme qui redoute tout ramollissement et érige ses formes tendues vers le ciel ou en arrimant ses blocs à la terre, mettant au point un "touillage" sophistiqué pour explorer les paradoxes de la nature humaine et le rapport à la nature tout court.

La terre et le béton se refusent. Qu’importe, elle relève le défi et fabrique des strates de terre et de béton, ajoute du bois, des briques, du plastique les englobant dans une masse qui va provoquer des imbrications de plus en plus complexes grâce à un système de répulsion dans le pur et le dur… Elle génère d’étranges disques éclatés, érigées ou déchirées pour mieuxattraper la lumière et qui vont prendre, au fil des années, des allures chaotiques, déstructurées, hérissées de fers à béton. Ses sculptures sont parfois traversées de traces de pigments bleus, rouges et jaunes. Ses "fleurs de béton" poétiques prennent essor dans l’univers naturel rude, que l’on croit dompter. Ce cycle de l’homme et de la nature s’inscrit dans l’œuvre de cette artiste avec une unité de temps et de lieu d’autant plus prégnante qu’elle correspond à une pulsation profonde de Nicole Valentin happée par l’appel de l’aventure et du désert, stimulée par le défi d’équilibrer le mouvement et la statique.

Sa sculpture se nourrit de son cycle naturel personnel, de ses propres tensions, de ses rencontres avec d’autres cultures. Face aux aspérités de certaines pièces, le questionnement est latent : s’agit-il d’une forêt d’arbres ou d’une ville ? Son monde est-il brut, minéral ou urbain… Ce sont ces ambiguïtés, ces contradictions, cette ouverture et cette brèche dans l’imaginaire qui associe le béton à un bloc monolithique, solide qui constituent l’essence de l’œuvre sculpté de Nicole Valentin et composent son univers infiniment personnel et cohérent. Sa série "Spirales" (2008), en ciment classique gris avec des agrégats de sable, de fer à béton et de pigments, sans socle, quasi tellurique, en constitue l’apothéose.

Brigitte Camus