LE BÉTON POÈTE
 

Dans sa célèbre Bible d’Amiens magnifiquement traduite par Marcel Proust, le critique d’art anglais John Ruskin écrivait que : « Les matériaux les plus lourds et grossiers, telle la pierre peuvent par la grâce de l’artiste, devenir légers et aériens et constituer d’authentiques chefs-d’œuvre de l’esprit humain voués à l’admiration éternelle. »
Certes il évoquait là les cathédrales et leurs bâtisseurs, mais c’est en pensant à la mutation de la matière que l’on peut considérer le travail artistique de Nicole Valentin et l’inspiration que lui procure le béton.
Le béton des villes et des murs, des barrages et des usines, des prisons et des bunkers, qu’il soit guerrier, industriel ou discriminant est rarement poétique. C’est justement en poète que Nicole Valentin le transforme en un amalgame souple et éthéré, léger et ouvert, polymorphe. Feuilles d’arbres, stalactites ou stalagmites, ailes d’oiseaux déployées, ou celles de la victoire de Samothrace, Chaussée des Géants irlandais, colosses de Monument Valley, rocher céleste du Machu Pichu, ou bien encore chaos de pierres des anciens volcans d’Auvergne, les œuvres de Nicole Valentin suggèrent toutes les représentations que la Nature offre aux hommes pour satisfaire leur soif de beau et d’horizons nouveaux. Selon l’idée qu’ils ont du monde, en êtres libres, car Nicole Valentin nous parle avant tout de liberté de créer, d’imaginer, de voyager. Elle s’approprie de belle manière la pensée de Nietzsche : « La beauté n’est pas la représentation d’une chose belle, mais la belle représentation d’une chose ».

 

Jean-Pierre Falies