Nicole Valentin : présage et dérobade
L’ivresse par ce qui est vu, par ce qui est donné, par ce lien issu d’une étrange cause première.
Pressentiment et mystère, il fait de nous des sujets dépouillés. Serons-nous un jour au bout de tels indices?
Pour en arriver là il faudra connaître les émotions les plus rares au moment de la chute.
Il en va d’une quête de ce qui ne se résigne pas. D’où la dérive, la marge et ce qui ne peut se résoudre.
Nicole Valentin à travers la matière la plus brute et brutale met en branle la part obscure du monde, celle qu’on ne maîtrise pas.
Surgissent les instants arrachés au gouffre du temps.
Soudain le monde parle dans un scandale plastique.
Il y a la force primitive mais aussi l’errance que crée les masses déconstruites pour une autre recomposition.
Il faut à la fois couler dans le flot du béton pendant qu’il est encore temps. Non pour s’y ensevelir mais afin d’en resurgir.
Chaque œuvre creuse l’invisible en une succession de spasmes et d’armes - crissements aux limites de la perception
C’est par là que ça passe : on en cherche le centre de chaque pièce mais on ne trouve pas.
Il s’agit de désirer penser, de penser comme désirer.
L’image devient l’interstice par où tout passe et rien ne passe, c’est la pensée à partir de ce rien qui est tout.
Pas de salut, pas de fin juste l’ouverture singulière en une conduite forcée et un moulage vagabond.
Le langage plastique de Nicole Valentin offre à la pensée une façon de se défaire comme une robe se défait.
Hors de ce mouvement de chute libre il n’y a rien.
Chaque œuvre n’est plus un état mais un mouvement, un mouvement de marée montante.
Le mou puis enfin le compact et la densité.
Ce qui compte n’est pas uniquement le geste et la «déceptivité» mais ce qu’il fait et donne à regarder :
C’est comme l’attention des ombres autour d’un e muet.
C’est.
Voici les sentinelles immobiles que le silence écoute.

 

Docteur en littérature,
J.P. Gavard-Perret